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24 mai 2019
Le rendez-vous de carrière
ou comment rentrer dans le moule…
Vous êtes un (ou une) jeune bac + 5 et vous voulez devenir PE. Vous commencerez votre carrière en gagnant 20% de plus que le SMIC. Donc, vous ne faites pas ça pour l’argent.
Quelles sont vos motivations ? Avoir le même rythme de repos que vos enfants et éviter les frais de garde ? Profiter de l’excellente réputation du corps enfeignant toujours en vacances auprès du grand public ? Plus sérieusement : vous adorez les enfants et vous avez envie de communiquer un certain savoir.
Que vous deveniez par la suite PEMF, directeur d’école, conseiller pédagogique, IEN ou chargé de quelque chose, tout commencera par un rendez-vous de carrière lorsque vous atteindrez le 6e échelon, assorti d’une appréciation à choisir entre « Excellent, Très satisfaisant, satisfaisant, à consolider ». Pas de félicitations ou d’encouragements. On est bien dans le primaire.
Mais qu’évalue ce rendez-vous ?
Si je devais évaluer le travail d’un maçon, je regarderais les murs qu’il a construits. Sont-ils rectilignes et verticaux ? Les angles et les délais sont-ils respectés ? Je me moquerais de savoir s’il connait les derniers produits à la mode, surtout s’ils n’ont pas fait leurs preuves ! Et je ne lui demanderais pas non plus la marque de sa brouette !
On ne vous demandera que rarement les bilans des évaluations de vos élèves ; on ne parlera pas de leurs progrès lors de l’année scolaire ; on ne vous demandera pas si vous passez le samedi et le mercredi dans votre classe pour préparer vos cours ; on ne vous parlera pas de l’efficacité de vos rituels quotidiens en orthographe, en calcul mental, en problèmes, etc.
En revanche, on vous vantera les derniers projets pédagogiques à la mode. On vous reprochera de ne pas faire découvrir l’histoire aux élèves à l’aide de documents à classer, à analyser, pour deviner ce qui s’est passé et faire concevoir une trace écrite par les enfants eux-mêmes. En 45 minutes, et avec 25 enfants ou plus…
On vous demandera vos PPRE et la paperasse qui sert d’alibi pour faire croire que l’on peut faire quelque chose d’efficace, en tant que PE (vous n’êtes ni travailleur social, ni psychologue ni éducateur spécialisé) pour les élèves qui sont à la traine et qui perturbent parfois le travail de la classe. Même si vous, vous savez que vous avez 25 autres enfants qui doivent avancer et qui attendent.
Ce n’est pas le cœur du métier que l’on évalue.
Il s’agit d’une évaluation subjective : ce n’est pas votre travail et ses effets qui sont évalués, c’est votre personnalité, votre attitude, votre docilité et votre obéissance considérés comme le rouage d’un système qui, on le sait très bien, fonctionne de plus en plus mal. Pas une tête ne doit dépasser du troupeau…
Mais comment pourrait-on évaluer objectivement le travail d’un enseignant ?
En évaluant les progrès de ses élèves bien sûr ! Au sein d’une école, en début d’année puis en fin de trimestre ou de semestre, copie anonyme, évaluation conçue et corrigée de manière collégiale assurée par l’équipe pédagogique. Oui, je sais, du travail en plus… Ce n’est pas certain : ces évaluations pourraient faire office de bilans trimestriels ou semestriels. Elles devraient également servir de socle lors de votre inspection.
Pour une fois, soyons pragmatiques : si vous faites progresser vos élèves autant voire plus que vos collègues de l’école, peu importe votre méthode pédagogique.
Thierry Coppée
Délégué SNE 974