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ACTUALITÉS NATIONALES

19 décembre 2018

Le devoir de réserve pour les nuls

Pas facile de faire la part des choses à propos du fameux devoir de réserve dont on entend parler à toutes les sauces, et dont notre hiérarchie abuse avec un plaisir non dissimulé.

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Ce qu’il faut savoir

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  • Le devoir de réserve n’est pas inscrit dans les obligations des fonctionnaires, car il n’est pas inscrit dans la Loi du 13 juillet 1983.
     

  • Ceux-ci sont toutefois astreints à l’obligation de réserve, qui s’applique par la jurisprudence, au cas pas cas. Cette réserve ne s’applique pas aux opinions (chacun a le droit à sa liberté d’opinion) mais à son mode d’expression.
     

Donc, je résume : il n’y a pas de loi spécifique, mais c’est tout comme…On peut penser ce que l’on veut, mais on ne peut pas le dire n’importe comment (propos insultants par exemple) ni à n’importe qui (au JT de 20h ou sur Twitter, il faut faire plus attention que dans le canard local).
 

  • Les fonctionnaires sont tenus à l’obligation de discrétion professionnelle (lorsqu’ils ont connaissance d’éléments concernant les élèves et leurs familles par exemple).
     

A ce niveau, on est d’accord, c’est assez logique. On ne va pas aller raconter que Mme Machin a couché avec le beau-père de Dylan. Même si tout le quartier le sait.
 

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Alors pourquoi tant de tergiversations tout à coup ?

 

Une phrase du projet de loi Blanquer a mis le feu aux poudres. Dans le pays de Voltaire et de Diderot, diantre, on ne plaisante pas avec la liberté d’expression :

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« Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’Éducation […]. »
 

Bon, il m’a fallu du temps pour faire le lien, mais j’ai fini par comprendre : l’exemplarité, c’est le mot qui fâche. « Exemplaire », ça fait toujours un peu lèche-cul.
 

Déjà qu’il fallait un bac +5 et pas mal de boulot pour juste devenir prof, qu’il fallait passer ses soirées et ses week-end pour devenir un bon prof, il faudra désormais être « exemplaire » pour être un parfait prof.
 

Cette exemplarité ouvre la possibilité à la hiérarchie de vous infliger toute une série de sévices, de l’avertissement en passant par le blâme, dès lors que vous aurez eu la mauvaise idée de critiquer votre IEN lors d’un apéro arrosé entre collègues, ou de déplorer le niveau d’orthographe des petits français en raison d’un nivellement par le bas des exigences sur votre compte Facebook. Mais on sait très bien que personne ne fait ça.
 

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Pour le SNE, l’exemplarité doit d’abord venir d’en haut

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Quelques propositions, dans le désordre :

  • arrêter de changer les politiques éducatives et les programmes à chaque changement de ministre.

  • cesser de considérer les enseignants comme la variable économique d’ajustement en gelant leur point d’indice.

  • offrir aux enseignants un salaire digne de leur niveau d’étude et de responsabilité comme dans les autres pays auxquels on nous compare souvent.

  • accompagner les enseignants, par principe, au lieu de systématiquement les considérer comme coupables à la moindre incartade.

  • doter l’Éducation nationale d’une véritable médecine du travail.

Donc, tenter de nous intimider en brandissant le spectre du devoir de réserve, c’est une assez mauvaise idée. Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait baisser la fièvre.

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Attention à ne pas toucher à la liberté d’expression, parce que nous, les enseignants, nous y sommes particulièrement sensibles. Le jour où l’on n’aura plus le droit de dire les choses librement, ce sera la fin de notre démocratie. Les mouvements sociaux de ces dernières semaines devraient inciter notre ministère à développer la cohésion en s’assurant du soutien de ses troupes…

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Mais promis, on le dira poliment.

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Laurent Hoefman

Secrétaire général aux publications

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