ACTUALITÉS NATIONALES
25 mars 2019
Le poids insupportable du soupçon
Nous avons franchi les limites du supportable avec la disparition de Jean Willot, enseignant du Val d'Oise qui, accablé par le poids du soupçon, a préféré mettre fin à ses jours la semaine dernière. Le SNE adresse tout son soutien à sa famille, ses proches et ses collègues.
Ce drame inacceptable n’aurait jamais dû se produire. Ce drame, ce sont nos ministres successifs qui en sont responsables.
Ce drame, c’est le résultat de 30 années de politique manquant de courage, le fruit du poids de centaines de circulaires accumulées censées améliorer les résultats de nos chers élèves, la conséquence d’une pression insupportable sur les enseignants…
Au SNE, nous tirons la sonnette d'alarme depuis longtemps face à la dégradation des conditions de travail, mais aussi en raison de la pression croissante que le système et la communauté éducative exercent sur les enseignants. Il est grand temps d'y mettre un terme, et de retrouver un peu de bon sens, mais surtout de revenir à plus d'humanisme. Derrière notre métier se cachent des femmes et des hommes qui ne peuvent à eux seuls réparer toutes les blessures du monde...
Enseigner contre vents et marées
Les médias nous assaillent de drames quotidiens, les réseaux sociaux relaient les fake-news, la société va mal, l’économie va mal, tous les repères sont gommés, nos politiques sont à la rue, les manifestants dans la rue... Plus de perspective, plus d’ambition, juste de la révolte ou de la soumission.
Les difficultés de certains élèves, la violence de certains autres, les 30% de mauvais lecteurs à l’entrée en 6e, les piteux résultats aux tests internationaux, tout le monde "sait" que c’est de la faute des enseignants.
On nous le répète tellement qu’on finit par croire que c’est vrai.
Nous essayons pourtant de faire tout notre possible pour nos élèves, en sacrifiant nos week-ends en préparations et corrections, en essayant de tenir jusqu’aux vacances malgré la grippe ou la gastro, jusqu’à l’épuisement professionnel parfois. Nous donnons l’essence de nous-même jusqu’à la dernière goutte, par conviction.
Et puis un jour, un grain de sable vient tout foutre en l’air. Toutes nos années de bons et loyaux services sont occultées, comme ça, par un simple coup de fil de l’IEN, qui veut nous voir dans son bureau suite à une plainte d’un parent d’élève, ou par une lettre du DASEN qui nous convoque pour nous rappeler nos obligations de service…
Parce que c’est comme ça à présent : les élèves ne doivent plus s’adapter à l’école, c’est à l’école de s’adapter à eux. Ce n’est pas l’élève qui est perturbé, ce sont nos méthodes qui sont inefficaces : nous sommes trop directifs, ou pas assez, la différenciation dans notre classe à grand renfort de PPRE, PAP et PPS n'est jamais suffisante, nos préparations ne sont pas assez soignées, nos affichages pas assez explicites,.... etc. On connait la chanson.
L’enseignant doit être ex-em-plaire, il ne peut pas commettre la moindre erreur. Il doit se tenir à carreau et accepter de se soumettre jusqu’à la déliquescence… Il porte sur son dos toute la misère du monde mais sans broncher surtout, devoir de réserve oblige.
Le droit à l'erreur
Mais nous ne sommes pas des robots, nous sommes humains, et comme tout un chacun nous sommes faillibles. Est-il donc acceptable, dès la moindre incartade, que nos supérieurs déclenchent l’attirail de menaces, de sanctions, ou même de simples rappels à l’ordre qui jettent l’opprobre et le discrédit sur toute une carrière ?
Nous, les enseignants, sommes des gens beaucoup trop idéalistes et beaucoup trop résignés. C’est ce qui fait notre faiblesse. C’est pourquoi nous acceptons depuis des dizaines d’années une dégradation régulière de nos conditions de travail, une perte de pouvoir d’achat sans précédent, une adaptation incessante au monde en évolution trop rapide…
La disparition de ce collègue à quelques mois de la retraite, après une carrière sans problème, montre la menace de cette épée de Damoclès au-dessus de notre tête.
Jusqu’à quand accepterons-nous cette situation… Jusqu’à la fin du monde… ?
Indignez-vous !
Soyez nombreux à vous mobiliser le samedi 30 mars
pour dire stop au massacre des profs et de l’école !
Laurent Hoefman
Secrétaire général aux publications