ACTUALITÉS NATIONALES
20 septembre 2019
Billet d'humeur : une rentrée en maternelle en 2019
Lors d’une visite syndicale du SNE dans son école, une directrice d’école maternelle de la région lyonnaise nous a présenté la situation de son établissement. C’est un cas riche d’enseignements.
De grands espoirs après les assises de la maternelle
Le SNE a soutenu la proposition de rendre l'instruction obligatoire à partir de 3 ans. Nous sommes fiers que notre syndicat ait obtenu cette légitimité de notre école maternelle.
"En cette rentrée, nous nous sentions sereins pour continuer la lutte contre l'absentéisme que nous menons depuis longtemps tant envers les familles qui partent en vacances sur le temps scolaire qu'envers celles dont les enfants ne viennent pas régulièrement à l’école. Mais notre enthousiasme s'est bien vite évaporé…”
L’accueil des enfants en Petite Section : un équilibre fragile
"En tant que directrice, j'ai toujours dit aux parents de PS que si leur enfant venait à l'école l'après midi, c'était "pour le mieux" et s'ils ne venaient pas que c'était aussi "pour le mieux"! Cela les confortait dans leur légitimité de parents à choisir ce qu’ils considèrent être le meilleur pour leur enfant, en fonction de leurs propres contraintes, et surtout sans culpabilité !”
C’est exactement l’esprit du Décret n° 2019-826 du 2 août 2019 sur la scolarisation en Petite Section.
"Étonnamment, dans mon école, cette rentrée a sonné le glas de ce discours… Cette année, la municipalité a élargi l'accueil à la cantine à tous les enfants scolarisés.. La conséquence logique a suivi. Presque tous les PS viennent l'après midi. Il y a beaucoup plus de pleurs que les années précédentes : en classe, sur le temps de cantine, au dortoir. Cela entraîne une grande fatigue mentale pour les enseignants, mais aussi pour les ATSEM qui sont en charge de la cantine et surtout pour tous les enfants dont les pleurs sont en cascade.…”
Cet exemple montre à quel point il est difficile de concilier l’intérêt de l’élève, celui de la famille et les obligations de l’école. Il incombe une fois encore au directeur d’arriver à établir l’équilibre qui permet aux enfants d’être des élèves dans de bonnes conditions.
Le développement de l’école inclusive...
"Dans notre école de 5 classes, 6 élèves ont une notification d'aide humaine individualisée, 2 PS sont en attente de notification (dossiers déposés il y a 4 mois, sans réponse de la MDPH) et 3 dossiers sont « sur le feu » depuis plusieurs mois, voire années avec les familles. Ces chiffres sont en constante augmentation depuis 5 ans.”
Rappelons-nous que l'école maternelle est souvent le lieu où l'on dépiste les difficultés. “Nous nous heurtons aux familles qui sont parfois dans le déni. Nous comprenons aussi la douleur d'avoir un enfant différent et la difficulté du deuil de l'enfant idéalisé. Nous épaulons ces familles, nous les encourageons, nous les accompagnons autant que possible dans leur parcours."
Loin de nous l'idée de remettre en cause la loi de 2005, qui est une grande avancée sur la reconnaissance du handicap. Il faut néanmoins avoir l'honnêteté de dire que, bien que cette loi date de 14 ans, ses retombées n'arrivent dans les écoles que depuis 4-5 ans, avec les structures spécialisées qui ferment et les diagnostics de troubles de plus en plus fréquents.
...induit de nouveaux besoins auxquels il faudra répondre au plus vite
"Il est important d'entendre que nos conditions de travail se sont dégradées. Cela ne remet absolument pas en question l'inclusion des enfants porteurs d'un handicap dans les écoles. Nous constatons que les moyens attribués à sa mise en œuvre ne répondent pas aux problématiques que nous relevons au quotidien.
Tout cela entraîne une grande fatigue, une frustration de ne pas y arriver, le sentiment de mettre les autres élèves de côté... Enseigner à des enfants handicapés n'est pas la même chose que d'enseigner à une classe ordinaire."
Les équipes sont encore trop souvent démunies face à des difficultés et des pathologies qu’elles ne connaissent ou ne comprennent pas bien. Force est de constater que l’école inclusive où tous les élèves peuvent s’épanouir n’est pas encore une actualité.
Aparté sur les AESH : ces personnels sont parfois traités indignement. Ils sont avertis la veille à 19h d’une prise de poste le lendemain, ils ne signent leur contrat qu’après 15 jours de travail, ils sont rémunérés à 66% du SMIC et exercent dans des conditions encore tellement précaires qu’elles entraînent un grand nombre de démissions sans préavis. Comment s’étonner que peu de candidats se présentent pour ces postes ?
L’évolution de notre société impacte aussi la maternelle
"Nous sommes de plus en plus confrontés à des enfants qui ont des comportements inappropriés à l'école : ils ne supportent pas la frustration, ils ne veulent pas attendre, ils ne respectent pas les autres…"
Apprendre à vivre avec les autres est du ressort de l'école maternelle, mais "pas que". L'école devrait instruire, et non éduquer.
Vivre, pas survivre
"Face à cette situation, nous allons tout faire, comme d'habitude, pour que nos élèves aillent bien et pour que notre école vive, parce que nous sommes des professionnels. Mais cela n’empêchera pas les personnels de s’épuiser et les familles de fuir vers les écoles privées…"
Nous pensons qu’avec 2,4 milliards d'euros pour scolariser 340 000 élèves il serait sans doute plus efficace de consolider les structures spécialisées existantes pour proposer en concertation des inclusions de qualité plutôt que d'inonder les écoles d'emplois précaires pour accompagner des enfants qui seraient mieux accueillis dans des structures adaptées.
Céline Buffavand, Silvy Cotisson
Secrétaire et déléguée départementales SNE69