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ACTUALITÉS NATIONALES

21 septembre 2021

Rupture conventionnelle : bilan d'étape

La rupture conventionnelle, qui n’existait que dans le secteur privé, est entrée officiellement en vigueur dans la fonction publique le 31 décembre 2019. Un an et demi après, quel bilan provisoire peut-on en tirer ?

 

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Un dispositif avantageux

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En expérimentation jusque fin 2025, la rupture conventionnelle permet à un agent de quitter la fonction publique, d’un commun accord avec l’administration, et de toucher une indemnité ainsi que les allocations chômage (Allocations de Retour à l’Emploi).

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L’indemnité de départ volontaire (IDV) qui était versée dans le cadre d’une démission pour création ou reprise d’entreprise est donc remplacée par l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC). Rappelons qu’une démission n’ouvre pas droit aux allocations chômage.

 

La rupture conventionnelle permet donc de répondre au besoin légitime de nombreux collègues qui souhaitent quitter leur métier, souvent dans l’optique d’une reconversion, tout en bénéficiant d’un coussin de sécurité financier parfois conséquent, selon l’ancienneté de service de l’agent.

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D’après l’administration, la grande majorité des ruptures dans toute la fonction publique ont été demandées par les personnels. Assertion confirmée par nos observations, puisqu’à ce jour nous n’avons eu vent d’aucune demande de rupture initiée par l’administration dans l’Éducation Nationale.

 

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Une mise en place laborieuse

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Les premières demandes de rupture conventionnelle se sont heurtées à différents retards : les derniers textes réglementaires ne sont sortis qu’en juillet 2020 et les outils informatiques permettant le paiement des indemnités n’étaient prêts qu’à la fin de cette même année. Cette inertie est évidemment due en grande partie à la pandémie. Aujourd’hui, le dispositif est enfin opérationnel.

 

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Un accès inégal

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S’il n’y a, à l’heure actuelle, pas de quotas donnés aux académies pour l’acceptation de conventions de rupture, force est de constater que le nombre de signatures est très dépendant du département dans lequel l’agent exerce.

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Dans le premier bilan présenté au CTMEN de mars 2021, le ministère de l’Éducation Nationale indiquait que 296 dossiers avaient abouti en 2020 sur 1219 demandes, soit un taux d’acceptation de 24,3%. Parmi ces 296 signatures, 147 (la moitié) venaient de seulement 3 académies : Montpellier, Bordeaux et Aix-Marseille.

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Des critères d’acceptation différemment appréciés selon les académies

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La circulaire DGRH du 9 juillet 2020 recommande aux administrations d’examiner les demandes à l’aune de 3 critères : la rareté de la ressource, la sécurisation du projet professionnel et l’ancienneté dans la fonction.

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  • La rareté de la ressource

C’est le critère principal. Il explique à lui seul la faible acceptation de ruptures dans les académies qui connaissent des tensions en ressources humaines et qui ont du mal à recruter du personnel enseignant. En résumé, il est quasiment impossible d’obtenir une rupture conventionnelle dans les départements peu attractifs.

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Le SNE déplore cet état de fait. Pour de nombreux collègues, la rupture conventionnelle est l’unique espoir de reconversion, parfois face à des situations de souffrance professionnelle importante. De plus, l’administration a parfois du mal à comprendre que ses difficultés en ressources humaines ne seront en rien solutionnées en gardant un collègue qui sera placé en Congé Longue Maladie, qu’il faudra donc rémunérer et remplacer sur son poste.

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Pour notre syndicat, les réponses aux tensions que connaît l’éducation nationale en termes de recrutement se trouvent plutôt du côté de l’attractivité du métier, et notamment de sa rémunération, des conditions d’exercice et du peu de reconnaissance sociétale et institutionnelle envers les enseignants.

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  • La sécurisation du parcours professionnel

Certaines académies ont mis en place des procédures très strictes en matière de rupture conventionnelle qui donnent à cette démarche des airs de parcours du combattant. La sécurisation du parcours professionnel (solidité du projet) est parfois observée avec une rigueur démesurée.

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S’il est louable que l’administration ne souhaite pas laisser des agents sans ressources, pousser cette exigence à l’extrême relève parfois de l’infantilisation. Il faut parfois envoyer un dossier professionnel complet et les chefs de service RH se muent alors en juges improvisés de projet professionnel.

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Pour le SNE, les enseignants ne sont pas des enfants. Ils doivent être libres de choisir une nouvelle voie dont ils auront eux-mêmes évalué la faisabilité. Pour notre syndicat, il existe déjà des garde-fous évitant les départs non réfléchis. En effet, lors des entretiens de rupture, les conséquences (notamment la radiation des cadres) sont explicitées, et d’autres pistes sont explorées selon la situation de l’agent. D’autre part, des délais de rétractation existent.

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  • L’ancienneté dans la fonction

La circulaire DGRH du 9 juillet 2020 invite à privilégier les départs de personnels plus anciens par rapport à des agents « récemment nommés et donc récemment formés ». Ce critère est parfois apprécié de manière très orthodoxe. Cela se traduit dans certaines académies par des règles bien trop rigides, allant parfois jusqu’à interdire totalement la rupture à des personnels avec moins de 7 ans d’AGS.

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Cette exigence n’est pas réglementaire puisque les seuls titulaires exclus de la rupture conventionnelle sont les personnels de 62 ans ou plus, retraitables au taux maximum, ainsi que ceux détachés en qualité d’agent contractuel ou encore les agents ayant signé un engagement à servir l’État à la fin d’une période de formation.

 

Dans les académies en question, notre syndicat agit pour que l’ancienneté soit prise en compte individuellement et dans la globalité de la situation de l’agent.

 

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Un frein financier

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Autre obstacle à l’accès à la rupture : cette dernière a été mise en place sans qu’aucun budget n’ait été accordé aux académies pour supporter son coût. Elles doivent donc assumer entièrement le paiement de l’indemnité. Les allocations chômage (ARE) sont supportées par le ministère.

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Alors que les textes prévoient une indemnité minimale et une maximale, c’est donc l’indemnité minimale qui est toujours attribuée, en tout cas lorsque la rupture est à l’initiative de l’agent, comme l’indique la circulaire DGRH du 9 juillet 2020 : « Le montant minimum de l’ISRC doit être, pour l’administration, la référence de base dans le cas d’une procédure enclenchée par l’agent ». La négociation financière est donc inexistante…

 

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Un calcul de l’indemnité à améliorer absolument

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L’Indemnité Spécifique de Rupture Conventionnelle est calculée de manière à augmenter avec l’ancienneté, prise en compte dans les 3 fonctions publiques. Le point noir de ce calcul est que le salaire de référence utilisé est uniquement celui de l’année civile N-1 de la date d’effet de la rupture.

 

L’indemnité est donc divisée par 2 si vous étiez à mi-temps, ou à mi-traitement pour congé maladie l’année précédant la rupture. Pire, si vous étiez en disponibilité, par exemple pour explorer des alternatives professionnelles (ce qui est cohérent avec une rupture conventionnelle), votre indemnité tombe à 0, même si vous avez 30 ans de service derrière vous…

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De plus, les ruptures étant dans la plupart des cas actées au 1er septembre, si des collègues s’y prennent un peu trop tard, leur demande est reportée d’un an, avec des conséquences souvent importantes pour l’indemnité s’ils sont en congé maladie.

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Le SNE demande donc que les modalités de calcul soient revues, en prenant en compte un salaire de référence qui s’étale sur plusieurs années, et non sur une seule, pour éviter un effet disproportionné des aléas de carrière.

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La rupture conventionnelle est donc un dispositif très intéressant pour les personnels qui ont la chance de l’obtenir. Elle répond à un besoin réel des agents qui souhaitent quitter la fonction publique, notamment dans une optique de reconversion, tout en bénéficiant d’un coussin de sécurité financier.

 

Mais ce dispositif reste perfectible et très inégalement accessible. Le SNE ne manquera pas de proposer des améliorations au ministère dans l’intérêt des enseignants.

 

Patrick Ruiz

Membre du bureau national

Référent "rupture conventionnelle"

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