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ACTUALITÉS NATIONALES

14 décembre 2023

Evaluation des enseignants : un facteur de démobilisation supplémentaire ?

Billet d’humeur du vice-président du SNE

Depuis 2016, les traditionnelles inspections ont laissé la place aux entretiens de rendez-vous de carrière.

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Après 7 ans de mise en œuvre, le bilan est assez affligeant pour les PE et participe aussi à la perte de sens du métier.

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Comment c’était avant ?
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Avant la réforme du PPCR, les enseignants promouvables recevaient la visite de leur inspecteur à un rythme variable, selon l’humeur, la disponibilité ou le zèle de leur IEN : en moyenne, il faisait une apparition tous les 4 ans. Le rapport d’inspection était assez détaillé, notamment sur la séquence observée. L’IEN y indiquait une note sur 20, qui progressait au cours de la carrière. Cette notation infantilisante était parfois mal ressentie. De cette visite, vous pouviez espérer un passage au grand choix, au choix ou à l’ancienneté, selon des ratios assez proches de ceux d’aujourd’hui. Dans une carrière, on pouvait donc avoir une inspection une dizaine de fois, parfois moins.

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L’IEN venait observer la classe 1h ou 2, jugeait vos capacités de pédagogue, votre connaissance des programmes, votre polyvalence et votre investissement personnel pour vos élèves. C’était clair et, même si certains IEN étaient de vraies "peaux de vache", on savait sur quoi on était évalué.

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Et surtout, lorsqu’on changeait d’affectation ou d’inspecteur, on pouvait espérer se refaire et obtenir la promotion tant convoitée.

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Et maintenant ?

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Depuis, les choses ont bien changé : vous ne recevez la visite de votre IEN qu’à 3 reprises sur l’ensemble de votre carrière et sa dernière visite (au 9ème échelon) scellera votre avenir professionnel de façon radicale et laconique : «excellent, très satisfaisant, satisfaisant, insuffisant». Ces mentions adverbiales, qui ont remplacé la notation, sont beaucoup plus perverses car elle portent un jugement sur la personne, là où la note jugeait davantage de la séquence observée. La mention «satisfaisant» ne trompe personne : ça sous-entend «peut mieux faire»…

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Lors de cette dernière inspection, plus guère de perspective : les dés sont jetés et vous accéderez plus ou moins rapidement à la hors classe, puisque l’appréciation portée est définitive, sans révision possible (hormis par le biais de recours rarement satisfaits).

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Plus guère d’espoir si vous n’avez eu que «satisfaisant», vous devrez être très patient pour accéder à la hors classe et bénéficier d’un peu de beurre dans vos épinards. La prochaine modification d’accès à la classe exceptionnelle (2024) n’augure rien de de bon, puisque cet accès devrait être soumis à une appréciation très arbitraire de votre IEN… (lire notre article à ce sujet).

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Une fois votre perspective de promotion scellée, la motivation, quelle que soit l’appréciation portée, ne tiendra plus qu’à votre engagement personnel pour les 25 années de carrière restantes. Pas terrible comme gestion RH.

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Autre constat amer pour plus d’un, les enseignants ne sont plus évalués sur leur cœur de métier. Les critères d’évaluation tels que «s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel /critère 5» ou «contribuer à l’action de la communauté éducative en coopérant avec les partenaires de l’école / critère 7» laissent songeurs et perplexes. Tout cela est bien fumeux, et permet aux IEN de valoriser les bons petits soldats (ceux qui ne dorment qu’avec le BO sur la table de nuit, ou qui s’inscrivent au mois de juillet à des stages de formation), tout en laissant de côté des pédagogues investis et rigoureux. Que voulez-vous, les enseignants sont désormais jugés sur l’image qu’ils donnent, pas sur ce qu’ils font réellement. Dommage de vivre une époque où la communication a pris le pas sur l’action.

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N'oubliez pas non plus de «coopérer avec les parents d’élèves/ critère 8». Si un parent s’est plaint à votre IEN que vous donniez trop de punitions, c’est fichu pour votre promotion accélérée ! Et si vous avez eu le malheur de préférer utiliser votre méthode pédagogique de français qui n’est pas celle de votre collègue de même niveau, c’est pareil ! «Mais Madâme, il est très important de coopérer au sein d’une équipe , critère 6»

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Alors on fait quoi ?

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En ces temps de disette pour l’Education nationale, où le ministère ne sait plus comment faire pour attirer les jeunes diplômés dans sa grande maison, il serait bon de revoir la manière d’évaluer les agents et de recentrer les choses sur ce qui est vraiment important : la pédagogie, la transmission des savoirs, mais aussi des valeurs. La posture, la dignité et l’autorité de compétence doivent être valorisées car elles sont les garantes d’un bon climat scolaire.

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Et, entre nous, ce n’est pas aux enseignants de collaborer avec les parents, mais bien l’inverse : c’est la clé d’une coéducation réussie.

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Ce n’est pas non plus aux enseignants d’adapter leur pédagogie à chacun des 25 élèves qui composent leur classe, mais bien à chacun de ces élèves à s’adapter aux exigences de travail, de rigueur et de respect. Il ne faudrait pas l’oublier. Ces élèves sont les citoyens de demain, qui devront s’adapter aux contraintes d’une entreprise, de la vie en société. N’en faisons pas des individus égoïstes, capricieux et incapables de s’insérer dans le monde du travail, voire dans le monde tout court…

POUR ALLER PLUS LOIN

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