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ACTUALITÉS NATIONALES

18 juin 2024

La France meilleure que ses voisins européens
ou le miroir aux alouettes ?

En 2021, les États membres de l’Union européenne (UE) ont fixé un ensemble de nouveaux objectifs communs en matière d’éducation et de formation, dont cinq font l’objet d’un suivi statistique à ce jour. Un sixième sera suivi à partir de 2025. Dans la note d’informations n° 24.18 de la DEPP, on apprend que la France a déjà atteint trois de ces objectifs alors que le terme était prévu en 2030.

De quels objectifs parle-t-on ?

La France compte davantage de jeunes enfants en éducation
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En France, on frôle les 100% d’élèves scolarisés entre 3 ans et l’âge de la fin de la scolarité obligatoire. L’objectif européen était fixé à 96% au moins, à l’horizon 2030.

La France est un des seuls pays dans lesquels l’instruction est désormais obligatoire dès 3 ans, d’où le pourcentage obtenu. On pourrait s’interroger également sur les conditions d’accueil de ces jeunes apprenants. Là où certains voisins européens placent le curseur à 16 élèves maximum par classe de PS avec 2 voire 3 adultes présents, les classes françaises peuvent voir leurs effectifs côtoyer et même dépasser parfois les 30 élèves pour un maximum de deux adultes, ce qui ne produit pas la même qualité d’apprentissage. Ne confondons pas quantitatif et qualitatif.

 

La France compte une proportion limitée de jeunes sortant du cycle scolaire sans diplôme ou faiblement diplômés

 

L’objectif européen était d’arriver à moins de 9% de jeunes peu diplômés (diplôme dont le niveau le plus élevé correspondrait à l’équivalent du diplôme national du brevet en France) qui quittent le système scolaire et ne suivent plus de formation. La France était, en 2023, à 7,6% de jeunes quittant la formation (avec au maximum le DNB).

Dans un pays comme la France, on ne peut que se réjouir de la faiblesse de ce taux. Pour autant, rapporté au nombre d’élèves concernés, c’est encore trop d’enfants ou de jeunes qui quittent le système scolaire sans être suffisamment armés. Ce chiffre flatteur cache-t-il un faible niveau nécessaire pour réussir l’examen ? La réussite affichée devient alors une vraie question de point de vue.

La France compte une proportion plus importante de diplômés de l’enseignement supérieur

 

En 2023, au sein de l’Union européenne, en moyenne, 43,1% des jeunes âgés entre 25 et 34 ans sont diplômés de l’enseignement supérieur. L’objectif était de passer à 45% d’ici à 2030. En France comme dans 13 autres pays de l’Union européenne, l’objectif est atteint (51,9% des jeunes Français âgés de 25 à 34 ans sont diplômés de l’enseignement supérieur en 2023).

A notre modeste place d’enseignant du premier degré, on peut supposer que les savoirs fondamentaux ont donc été plutôt bien enseignés aux élèves puisque plus de la moitié d’entre eux finit par décrocher un diplôme supérieur. Ces résultats sont presque flatteurs pour la France et plus particulièrement pour notre Éducation nationale.

Mais attention à ne pas s’accorder un satisfecit trop rapide. Le niveau d’exigence - et par conséquence celui des diplômes correspondants - a considérablement diminué ces dernières années. Sans être passéiste, il faut reconnaître que, dans les matières qu’ils partagent, le niveau d’un bachelier du XXIème siècle est inférieur à celui d’un bachelier des années 1960 ou même des années 1980.

La volonté d’obtenir 100% de réussite (par exemple pour le socle commun en CP et CE1) a eu un effet pervers et inévitable : celui de brader les diplômes. En vertu du principe des vases communicants, en France, le pourcentage d’élèves ayant un diplôme augmente, alors que dans le même temps le niveau de nos diplômes ne cesse de baisser. Lorsque la poudre aux yeux issue d’une réussite universelle disparaît, la sélection apparaît à nouveau. Peut-être trop tardivement aujourd’hui, puisque la France ne renouvelle plus son contingent d’élèves qui réussissent très bien dans les études internationales. Nous avons réussi à ne plus promouvoir l’élite chez nos meilleurs élèves. Peut-on vraiment appeler cela un progrès ?

 

Il aurait également été intéressant que le travail mené par la DEPP distingue l’école publique et l’école privée.

Quelles sont les marges de progrès ?

 

La note de la DEPP pointe également un certain nombre de points faibles concernant la France. Ces points faibles sont généralement partagés par de nombreux pays de l’Union européenne. Alors que l’objectif de l’Union européenne était d’avoir moins de 15% d’élèves ayant des compétences insuffisantes en compréhension de l’écrit, culture mathématique, culture scientifique, littératie numérique, la plupart des pays de l’Union affichent un taux supérieur à 20% d’élèves en difficulté dans ces domaines.

Concernant la France, en 2022, 26,9% des élèves n’avaient pas de compétences assez solides en compréhension de l’écrit, 28,8% avaient une culture mathématique insuffisante, 23,8% avaient une faible culture scientifique et 43,5% avaient une faible littératie numérique en 2018.

La France est encore loin des objectifs fixés. Il faut reconnaître qu’elle n’est pas le seul pays de l’UE dans ce cas, puisque la grande majorité des pays de l’UE a des résultats faibles à ce niveau.

Un constat qui fait écho à la citation de Talleyrand : «Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare je me console.»…

L’effondrement du niveau scolaire est donc un problème européen, et non pas seulement français. La cause de cet effondrement trouve sans doute sa source au-delà des choix éducatifs des uns et des autres, mais plus sûrement dans l’évolution de la société occidentale, européenne en particulier. Le refus d’admettre que certains réussissent mieux que d’autres, la volonté de dire que tout le monde peut réussir de la même manière ont abouti à refuser le principe d’une sélection par la réussite et donc a conduit à tirer le niveau global vers le bas. Aujourd’hui, l’objectif individuel devient de réussir sans effort et l’objectif collectif de prétendre que tout le monde réussit quand même. Un mensonge confortable pour acheter une certaine paix sociale ?

Dire que tout le monde sait enfiler des chaussures quand les uns doivent se contenter d’espadrilles et que ceux qui savent faire leurs lacets peuvent tout enfiler masque des réalités très différentes. L’école devrait promouvoir la réussite de tous au maximum des capacités de chacun. Ce n’est pas faire offense aux uns de dire que les autres réussissent mieux, quelles qu’en soient les raisons. Par contre, il revient à l’institution d’aider tout le monde à réussir pleinement. 

Aujourd’hui, le choix de promouvoir l’égalité en lieu et place des savoirs est international. L’alignement des résultats français sur ceux de l’Europe n’a qu’une valeur comparative et non qualitative. L’importance accordée à ce genre de statistique est trompeuse. D’ailleurs, lorsque l’on regarde les classements PISA, on s’aperçoit que les pays qui obtiennent les meilleurs résultats ne font pas partie de l’Union Européenne.

Ce constat pourrait faire évoluer la citation de la manière suivante : «Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare aux autres pays de l’OCDE, je continue de me désoler.»

 

D’autres constats…

 

Au sein de l’UE, on observe davantage de sorties précoces du système scolaire au niveau des garçons que des filles. En Allemagne, cette hausse des sorties précoces a même augmenté depuis 2020. En France, la part des 18-24 ans qui ne font pas d’études en 2023 et qui sont sans emploi (14,1%) est supérieure à la moyenne européenne (12,1%).

Ces performances sont largement liées à la conjoncture économique des pays. On notera tout de même qu’en France, l’accès au travail pour les jeunes est plus difficile que dans d’autres pays de l’UE, que l’on soit diplômé ou non.

 

Cette étude est un miroir aux alouettes. Elle nous fait croire que notre Éducation nationale française va dans le bon sens, qu’il faut persévérer dans cette direction. En se comparant à des éducations nationales médiocres, on pourrait penser que tout va bien dans le meilleur des mondes chez nous. Ce serait se leurrer.

Les enseignants le savent, l’Éducation nationale est malade et le niveau des élèves baisse chaque année un peu plus. Ce n’est pas avec des études comme celle-ci que nous arriverons à changer la donne car ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fera baisser la fièvre.

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