top of page

ACTUALITÉS NATIONALES

6 avril 2018

Dernières avancées scientifiques

Les Assises de la Maternelle

Avec l'abaissement de l'âge de la scolarité obligatoire à 3 ans, l’école maternelle, singularité française, deviendra enfin aux yeux de tous une école à part entière, gratuite et laïque, une école de la République, bénéficiant des dernières avancées scientifiques. 

En savoir plus : 27 mars 2018, date historique.

​

Les Assises de la maternelle des 27 et 28 mars 2018 furent l’occasion de découvrir les dernières avancées des neurosciences et de rassembler tous les acteurs de la petite enfance et de l’école maternelle.

​

Parmi les nombreux conférenciers et intervenants, certains se sont adressés plus spécifiquement aux acteurs de l’école maternelle. Voici un tour d’horizon humble et non exhaustif de quelques points à retenir. Le SNE vous engage à approfondir votre lecture en vous rendant sur : http://www.education.gouv.fr/cid128334/assises-ecole-maternelle.html

 

 

  • Maîtrise du langage et lutte contre les inégalités (A. Bentolila)
     

Ne pas tenter d’anticiper l’apprentissage de la lecture. Pas de reconnaissance globale de mots, pas d’entrainement systématique trop précoce au système grapho-phonologique

​

L’école maternelle devra savoir combiner conquête du sens et automatisation des mécanismes, plaisir et labeur, jeu et rigueur, parcours de découverte et progression précise

​

L’école maternelle doit se fixer 5 objectifs prioritaires pour savoir distinguer les composantes de l’oral et leur organisation :

  1. La conscience de la segmentation de l’oral : faire prendre conscience du mot à un enfant qui ne sait pas encore écrire, faire prendre conscience de l’articulation des syllabes. Ne pas hâter la discrimination auditive et la prononciation de sons uniques, des consonnes occlusives sourdes. Syllabes, voyelles et sifflantes suffisent.
     

  2. La conscience des droits et devoirs de la communication orale : oser dire à l’élève que l’on ne comprend pas ce qu’il dit, qu’il doit reformuler pour obtenir une réponse. Le pousser et l’accompagner pour qu’il précise les choses, réponde aux besoins de l’interlocuteur parce que ce qu’il a dans la tête n’est pas dans la tête de l’autre.
     

  3. La conscience du principe syntaxique : l’ordre et la place des mots dans une phrase sont importants, en changent le sens. Ex : Pierre bat Paul est différent de Paul bat Pierre. Utiliser des phrases incongrues qui incitent les enfants à poser la question et prendre conscience de qui fait quoi.
     

  4. La conscience des principes de la compréhension de textes : savoir ce que c’est que lire avant de savoir lire. La lecture d’histoires ne se résume pas au conte de fin de journée. Planifier de vrais ateliers de lecture : une fois le texte lu, récolter les interprétations des élèves, puis dans un deuxième temps, le texte doit jouer son rôle d’arbitre des interprétations variées des enfants.
     

  5. L’enrichissement ordonné du vocabulaire : pas de listes de mots à apprendre par cœur ; ne pas penser que seuls les textes sont fournisseurs de mots. Mais recourir aux rassemblements syntaxiques de mots : partir d’un mot comme la forêt et se poser la question Que peut-on faire dans une forêt ? Chercher et rassembler les actions qui s’y rapportent. On obtiendra des verbes. Qui peut aller dans une forêt ? On obtiendra des noms. Ce questionnement ordonné orienté grammaticalement est absolument essentiel. Un vocabulaire ordonné sera mieux utilisé. Entraîner aussi les enfants à définir des mots. Cela suppose une régularité, une ritualité.

 

« Ce n’est pas parce qu’on placera l’école maternelle dans l’obligation scolaire qu’on changera le destin des enfants fragiles. (…) Ça n’est pas un coup de baguette magique. Il va falloir sérieusement se pencher sur la mise en place de moyens suffisants. On ne travaille pas sur la langue en ateliers de langue (…) lorsqu’on a une vingtaine d’enfants devant soi. Ça n’est simplement pas possible malgré tout le talent qu’on peut avoir. Il va falloir penser à une extension du dédoublement des classes vers la Grande Section de maternelle plutôt qu’en partant vers une course vers le haut. »

​

Autrement dit, un dédoublement des classes de GS aurait été préférable au dédoublement des classes de CE1. (note du SNE)

​

Un effort considérable doit être fait sur la formation spécifique des maîtres de maternelle.

 

​

  • Théorie de l’attachement, relation affective et apprentissages (A.Pommier de Santi, IPE)
     

Les théories de l’attachement facilitent l’adaptation et la réussite scolaire, particulièrement pour les élèves en difficulté cognitive et sociale. Les dimensions de la relation positive de qualité sont : proximité affective, proximité et contact physique, contact visuel, attitude empathique, écoute sensible, protection de l’estime de soi, réconfort, humour et renforcements positifs. Il existe 4 types d’attachement : secure, ambivalent/résistant, évitant/détaché, désorganisé/désorienté.

 

​

  • Acquisition du langage chez l’enfant (G. Dehaene-Lambertz), apprentissages langagiers et interactions (L. Lima)
     

Émotion et cognition ne sont pas séparés. Nous apprenons AVEC l’autre. Il faut une interaction humaine, même pour le bilinguisme. L’enfant a une compétence naturelle pour parler mais il faut toujours l’alimenter : fréquence, diversité, contact visuel, intonation, référence à l’objet par pointage du doigt et du regard.

​

Le langage oral joue un rôle majeur dans le développement de la lecture-compréhension.

​

Les bienfaits de la lecture d’albums :

  • dans le cadre familial : meilleur développement du langage oral et du vocabulaire, compréhension en lecture à l’élémentaire et plaisir de lire favorisés, qualité et diversité des interactions langagières (questions sur l’album), climat affectif

  • hors famille : accroissement du vocabulaire et des capacités narratives.

Lire l’album plusieurs fois, pratiquer la lecture interactive et dialoguée (poser des questions ouvertes, féliciter l’enfant sur sa participation, modéliser et répéter les propos de l’enfant, développer ses idées, assurer une participation égale de tous les enfants sans laisser quelques enfants dominer les échanges ou s’interrompre).

​

​

  • Bilinguisme (Ranka Bijeljac-Babic)

 

Les bébés bilingues différencient les langues parlées par leur mère dès la naissance. Ils créent des catégories phonétiques propres à chaque langue avant la fin de la première année. Ils sont plus sensibles à l’accent étranger que les monolingues. Même s’ils parleront moins vite.

​

Les enfants bilingues de 5 ans ont moins de vocabulaire mais autant si on ajoute celui des 2 langues. Le mélange des 2 langues est temporaire et se dissipe seul. Avantages cognitifs du bilinguisme : meilleure attention, retard de 4/5 ans de l’apparition de maladies neuro-dégénératives.

​

« Il y a une pression de la société, de l’école sur le maintien ou non de la langue maternelle. En France, on rencontre encore des enseignants de la petite classe et même plus tard qui conseillent fortement aux enfants d’abandonner leur langue maternelle. Donc on se retrouve dans des situations très complexes. Si, si ! »

​

« Encourager les parents à parler leur langue maternelle à la maison : la bonne maîtrise de la langue maternelle facilite l’acquisition de la langue du pays d’accueil ; la pratique de la langue maternelle renforce l’ancrage des enfants dans la filiation et leur affiliation culturelles faites de diversités. La bonne maîtrise d’une langue va leur permettre de rentrer dans une bonne acquisition de français.»

​

​

  • La mémoire (F. Eustache)

 

Au cours du développement, l’environnement prend peu à peu le pas sur le programme génétique. La mémoire évolue tout au long de la vie.

 

La verbalisation, l’anticipation et l’imagination, l’effet de l’action et l’intérêt soutiennent le développement de la mémoire

​

Comment favoriser l’acquisition et la consolidation de nouvelles connaissances ?

Fréquence d’exposition (effet immédiat) et répétition ; multiplier les modes de mémorisation et de restitution ; reformulation et feedback ; faire le point régulièrement sur ce que je sais et ce qu’il reste à apprendre.

​

Mémoire et sommeil sont indissociables pour les apprentissages.

 

​

  • Le sommeil (L. Nemet-Pier, S. Plancoulaine)

 

Le sommeil est important pour la maturité du cerveau et l’aspect cognitif. 10 à 12h de sommeil sont nécessaires à cet âge. Le sommeil se prépare en amont, par la capacité à jouer seul, des adultes attentifs à l’enfant et non à leur téléphone.

 

Le sommeil de jour (la sieste) est souvent meilleur à l’école car on n’est pas seul. Certains enfants qui refusent de dormir à la maison dorment très bien à l’école.

 

Aménagement des espaces de sieste : installer une sorte de niche sensorielle, un coin à soi avec son nom, sa photo, le lit toujours au même endroit. Instaurer le déshabillage, qui est aussi un temps d’apprentissage. Pratiquer le réveil échelonné.

 

Coucher les enfants juste après le repas car si la sieste est trop longue et décalée dans la journée, elle diminuera le sommeil nocturne.

 

Établir des coins repos dans la classe pour les MS et GS qui ont encore besoin de dormir.

​

Facteurs connus de troubles du sommeil : habitudes de coucher inexistantes (rituels, contes…), les écrans (la lumière bleue décale la rythmique des cycles de sommeil) et le tabagisme passif.

​

​

  • L’aménagement de la classe, l’environnement physique et humain dans les apprentissages (Anne-Marie Fontaine, EPI)


Il existe 2 zones de jeux : les espaces ouverts et les espaces délimités (coins) où il y a moins de conflits et qui ont la préférence des enfants.


Quand les enfants ont des meubles trop hauts qui leur barrent leur champ de vision, les enfants déplacent les jeux. Ils ont besoin de voir l’adulte. Sinon ils ne vont pas jouer et solliciter l’adulte en permanence. Par voie de conséquence, la densité des enfants va augmenter dans les espaces de circulation. Donc il faut penser coins délimités et meubles pas trop hauts.


Avec des jouets identiques, les échanges imitatifs et le plaisir sont multipliés par 4 et il y a moins de conflits. Mais les jeux moteurs suscitent le plus d’interactions et d’interactions amicales.

​
 
  • Troubles du langage (F. Ramus et M. Gurgand) et de la coordination (C. Huron et V. Grembi)
     

Des facteurs génétiques et environnementaux engendrent des enfants inégaux à l’entrée à l'école maternelle.

​

Des difficultés de langage à 3 ans sont souvent annonciateurs d’inattention et d’hyperactivité à 5 ans et demi. Le langage est un outil pour réguler le comportement. Les effets de l’entraînement à la conscience phonique sont reconnus : lecture, compréhension, etc.

​

Comment détecter la dyspraxie à notre niveau ? La dyspraxie a des répercussions transversales sauf dans le langage. L’enfant va montrer un désintérêt voire un refus des jeux faisant appel à la construction, un refus du dessin. Il montre des problèmes de repérage, de motricité. Il se montrera très en difficulté sur les temps de cantine. Il est peu autonome, maladroit, a du mal à s’habiller ; il ne parviendra se moucher correctement qu’au collège. Il va être gêné dans la gestion des gestes de la vie quotidienne. L’école maternelle et ses exigences ne vont pas l’aider pour l’estime de soi, bien au contraire. Ne pas évaluer cet enfant sur ces productions mais lui demander ce qu’il avait l’intention de faire, s’appuyer sur ses points forts. La dyspraxie est aussi fréquente que la dyslexie mais moins connue.

​

​
  • Le rôle de la musique (P. Lemarquis, B.Suchaut)


Baigner dans la musique prépare à l’enseignement. Les activités de tempo et de chant préparent les lobes du cerveau concernés, d’où l’intérêt des comptines pour préparer au langage, à la syntaxe, au lexique, à la logique. Des études anglosaxonnes ont démontré que la musique améliore les résultats en mathématiques, langue, anglais, vocabulaire, métalinguistique, tâches de raisonnement spatio-temporel, mémoire et attention.


En pratiquant des activités musicales 2 heures par semaine (voix, chants, écoute, rythmique et frappés corporels, codage et décodage, succession et simultanéité), le programme Musique au Quotidien a démontré des effets positifs sur les enfants de Grande Section en phonologie, discrimination, mémoire et mathématiques et ceci d’autant plus pour les élèves fragiles.

​

​

  • Le mot de la fin de Boris Cyrulnik (neuro-psychiatre, éthologue et psychanalyste)
     

Essayons de rêver et définir l’école maternelle de demain. La famille a changé, les enfants ont changé.
 

Les écrans n’offrent pas l’interaction humaine indispensable au développement du langage.(1)

« Les écrans n’apprennent pas à parler, ils apprennent à être médusé. Il n’y a pas d’interaction avec les écrans, sauf peut-être avec les enfants autistes qui eux ont tellement peur de l’interaction, du visage des autres. ». En Arabie Saoudite, à l’hôpital de Doha « j’ai vu des enfants autistes démutisés grâce aux écrans »
 

Dans les populations de migrants, l’enfant qui parle deux langues s’intégrera. C’est la notion de résilience.

« Tous les retards sont rattrapables. Ensuite c’est des décisions politiques ». (2)


L’enjeu de l’école maternelle est fondamental, plus que jamais.

Il faut maintenant AGIR sur :

1/ le développement de l’enfant avant l’école : niche sensorielle ; foyer ; crèche

2/ les accueillants : Atsem ; Enseignants ; familles dans l’école

3/ les récits culturels : art ; dessin ; vidéos, contes

 

 

  • Conclusion de Jean-Marc Huart (directeur général de l’enseignement scolaire)

 

L’école maternelle contribue pleinement à l’atteinte des acquis fondamentaux (lire, écrire, compter, respecter autrui) à la fin de la scolarité obligatoire.
 

Nous assisterons d’abord à la mise en place de formations conjointes pour les acteurs de l’école maternelle. Les modalités pédagogiques seront revues (espaces aménagés). La priorité sera donnée à l’oral. Nous appuierons nos pratiques sur les recherches scientifiques.
 

L’école a le devoir d’entretenir le dialogue constant avec les parents (dispositif Mallette des parents).

« Nous pouvons être fiers. C’est une nouvelle page de l’histoire qui s’est ouverte. »

 

Véronique Mouhot

Secrétaire Générale SNE en charge de la maternelle

 

 

1. Position de Boris Cyrulnik sur l’usage des tablettes numériques 

« Pas d'ordinateur ni de tablette jusqu'à 6 ans. Si les enfants ont l'air sages face à un écran, c'est parce qu'ils sont médusés, hypnotisés. Mais cette fascination implique une perte des relations. Non seulement ils n'apprennent rien, mais cela entraîne une altération de l'empathie et des troubles du développement. »

​

2. Position de Boris Cyrulnik sur le taux d’encadrement de 1 adulte pour 22 enfants en France 

« J'espère que le ministre de l’Éducation décidera d'augmenter les postes. L'idéal serait de dédoubler les classes de maternelle. Réformer l'accueil de la petite enfance implique forcément des dépenses, mais les pays qui l'ont fait ont constaté un excellent "retour sur investissement". Voyez les résultats de la Norvège : 1% d'illettrés, contre 10% en France, une forte diminution des psychopathies et 40% de suicides en moins chez les adolescents. »

​

Extraits tirés du JDD : à lire ici en intégralité

​

Retransmission des assises de la maternelle disponible ici.

bottom of page