ACTUALITÉS NATIONALES
14 octobre 2021
Un hommage... mais encore ?
Le ministère demande aux écoles de rendre hommage à Samuel Paty. Sur Eduscol, nous pouvons lire :
« La commémoration de l’assassinat de Samuel Paty aura lieu le vendredi 15 octobre. Les écoles et établissements pourront notamment organiser une minute de silence en mémoire de Samuel Paty, et consacrer une heure de cours à un temps d’hommage et d’échanges, dont le contenu sera laissé au choix des équipes en fonction de leur situation respective. »
Pour le SNE, cette commémoration est bien évidemment nécessaire, appropriée mais nettement insuffisante au vu de la situation actuelle. Et les quatre affiches «laïcité» reçues en début d’année dans chaque école ne pèsent pas lourd non plus.
Cet hommage pourra se faire dans le calme et le respect dans beaucoup d'écoles, collèges ou lycées mais gageons qu'il sera complexe, tendu voire dangereux dans de trop nombreux endroits de notre pays où la religion tend à prendre le pas sur la laïcité.
Il est aujourd’hui, tout autant que l’année dernière, indispensable de se poser collectivement deux questions :
Comment en est-on arrivé là ?
Que faire alors ?
L’assassinat de Samuel Paty est le summum de l’horreur d’un problème posé à toute notre société. Une fois le mal et ses causes identifiés, il nous appartient collectivement de le traiter. Pour cela, il n’existe aucune panacée.
Des marches blanches avec des pancartes « plus jamais ça », des écoles, des salles ou des rues baptisées « Samuel Paty », des hommages, des « observatoires », des affiches, .... Oui. Mais en définitive, tout cela n'est qu’illusion, car cela n’est destiné qu’à un public déjà respectueux des valeurs bafouées.
Est-ce que les choses ont changé ?
Est-ce que les enseignants peuvent enseigner sereinement toutes les matières
où que ce soit en France ?
Les enseignants, pour beaucoup, s'autocensurent de peur de froisser, de blesser, de passer pour des provocateurs ou des agitateurs voire de peur d'être attaqués.
Il est indispensable de passer à des actes forts,
de cesser les renoncements, les lâchetés du quotidien.
Par exemple, l’enseignement de la reproduction ou de la préhistoire ne devraient pas pouvoir être questionnés par des parents toujours plus intrusifs. Et pourtant. Petit à petit, notre belle et grande institution s’est diminuée et a baissé la garde.
Notre hiérarchie doit soutenir les enseignants dès la plus petite attaque envers la Laïcité, doit protéger les enseignants de toute pression extérieure.
Actuellement les textes sur ce sujet sont trop flous et peuvent, de ce fait, mettre les enseignants en difficulté. Nous demandons que notre administration dote les enseignants de règles précises sur lesquelles s’appuyer face aux demandes des parents, sans nécessiter d’interprétation.
Soyons fiers, soyons forts, c’est à ce prix que nous pourrons mener cette guerre invisible que nous livre l’obscurantisme.
Le « rapport Obin » sur la laïcité date de 2004. Il a été mis sous le tapis assez rapidement. Il a fallu attendre l'assassinat de notre collègue pour que le ministre de l’Éducation nationale s'en souvienne et demande à Monsieur Obin la rédaction d’un nouveau rapport, cette fois-ci, consacré à la formation des personnels de l’Éducation nationale à la laïcité et aux valeurs de la République.
Penser que l’on peut régler ce problème par une meilleure formation des enseignants est déjà révélateur d’un manque de volonté politique. La laïcité et les valeurs de la République ne se discutent pas. Point final.
Le problème posé dépasse le cadre de l’Éducation nationale. Il lie laïcité, conscience d’une appartenance nationale, respect de la loi, de l’État et de ses agents, dont les professeurs. Pour le résoudre, il faudra apporter des réponses réfléchies, indépendantes de circonstances d’actualité, des réponses solides et pratiques, des réponses de nature à emporter l’adhésion de tous et à faire reculer l’ignorance, l’intolérance et la barbarie.
C’est une tâche d’ampleur à laquelle l’École de la République pourra prendre part, mais qu’elle ne pourra pas mener à son terme toute seule.
Pour qu’elle puisse à nouveau remplir son rôle, l’École doit se réaffirmer comme un espace protégé, un lieu où les religions, la politique et les excès n'ont plus droit d’influence.
L’obscurantisme ne doit pas passer. Il en va de nos valeurs, du maintien de notre mode de vie, mais aussi de notre vie, de celle de nos enfants.
Matthieu Verdier
Secrétaire Général