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ACTUALITÉS NATIONALES

23 mai 2023

Parce que sanctionner n’est pas punir

Dans un ouvrage qui fit date : "Libres enfants de Summerhill”, Alexander Sutherland Neill avait poussé à fond les curseurs de la liberté. Les enfants d’une école décidaient entièrement des règles de vie, ou de leur absence. Après quelques mois de fonctionnement, le règlement intérieur conçu par les enfants eux-mêmes était si épais, qu’ils décidèrent un soir de l’abolir. Il ne leur fallut que quelques jours pour se résoudre en catastrophe à s’y soumettre à nouveau, tant leur vie était redevenue un enfer. Le fameux “vivre ensemble” ne peut en aucun cas faire l’économie de cette soumission à des règles d’un niveau supérieur. 

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Or, la soumission est un terme honni. La culture de la résistance, du rejet de toute autorité est désormais le signe d’une citoyenneté bien comprise : aucun pouvoir ne fera plus jamais plier le peuple ! De plus en plus d’enfants sont désormais élevés dans la méfiance envers l’autorité, alors que les enseignants se désolent de sa disparition… 

 

Il est indéniable qu’il faut une bonne dose de sagesse pour discerner l’autorité qui asservit de celle qui protège, pour comprendre que l’autorité n’implique pas  l’autoritarisme. L’autorité du maître fait régner l’ordre et la paix dans la cour de récréation, elle protège. Elle est pourtant fondée sur la crainte qu’inspire la possible sanction qu’il pourrait appliquer. 

 

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La sanction n’est pas une punition

 

Dans la société, le principe est qu’une sanction est prévue en cas de non-respect des règles de vie qui s’imposent à tous en vertu d’une autorité supérieure à celle des individus. La sanction est la garante de la liberté et du respect de chacun. Elle n’est pas malveillante et se veut protectrice.

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La sanction n’est pas une punition. La punition est basée sur le rapport de force, un principe détestable : “Tu as fait souffrir, donc, nous allons te faire souffrir à notre tour pour que tu voies ce que cela fait et que cela te dissuade.”

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La sanction est la juste conséquence d’un acte, la parfaite symétrie d’une récompense tout aussi méritée. “Ton comportement a fait mal et peur aux autres, tu vas donc être exclu un moment de l’activité : cela protège les autres comme tu serais toi même protégé en cas d’agression."

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Dès lors, la sanction répond aussi au besoin des victimes de voir que les règles de fonctionnement du groupe, classe ou école, ont du sens et que leur application est garantie, pour le bien de tous.

 

Aujourd’hui, nous avons collectivement un problème avec la notion de sanction, trop couramment assimilée à un “bâton” fort peu éducatif.

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Se reposer sur l’acceptation plutôt que sur la soumission

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Nous préférons très intuitivement obtenir l’assentiment de nos élèves, afin qu’ils “comprennent” la nécessité de changer de comportement, sans les sanctionner. Le calcul est qu’ainsi, nous les entraînons à devenir des citoyens responsables. Cette évolution doit beaucoup à Françoise Dolto qui a affirmé : "l’enfant est une personne". 

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Malheureusement, son propos a été mal compris. L’enfant est bien une personne mais pas encore un adulte. Le traiter comme tel est un contresens. Cette confusion a généré la mode de l’éducation permissive. Les parents ne confrontent plus leur enfant à la violence de la frustration d’un interdit, imposé par un adulte intermédiaire de la loi.

 

Accepter d’obéir à une règle est souvent perçu comme se soumettre à un diktat. Une injustice. Même adultes, nous avons du mal à nous conformer à une restriction, fût-elle de bon sens. Pour exemple, Il est désormais acquis que la vitesse est un des principaux facteurs de la mortalité routière. En bons démocrates conscients, nous aurions dû modifier nos pratiques par simple conviction citoyenne. Or, la vitesse moyenne n’a baissé que lorsque les radars et donc les sanctions ont été mis en place. C’est triste à dire, mais il semble avéré que la sagesse commence avec la peur du gendarme et avec un âge plus avancé. C’est pourtant exactement l’inverse de ce que nous enseignons à nos élèves ! “N’obéis pas parce que tu as peur, mais parce que tu as compris que l’application de la règle est bénéfique pour tous”.

 

Même s’il est préférable d’être convaincu du bien-fondé d’une sanction, c’est bien cette dernière qui assure le respect d’une décision prise au nom du bien commun.

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C’est d’ailleurs pourquoi toutes nos écoles sont dotées d’un règlement intérieur. Celui-ci se doit d’être exhaustif, y compris dans les sanctions. Ce document est souvent négligé alors qu’il constitue l’unique garde-fou dans les écoles et qu’il a été validé en conseil d’école et visé par les familles.

 

 
Une école sans sanction crée le fantasme d’une société sans loi

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A l’école, nous ne disposons d’aucune sanction institutionnelle. C’est un indice sociétal qui ne trompe pas. Nous bricolons comme nous pouvons, en asseyant cinq minutes un enfant sur un banc ou en le privant d’une partie de sa récréation. Mais, si un parent s’en offusque, nous sommes systématiquement contraints de reculer.

 

Notre autorité est déconstruite avant même d’avoir été établie. Dans le bureau du directeur, ce n’est pas le parent de l’élève fautif qui transpire, mais le pauvre collègue qui préférerait avoir un témoin pouvant attester qu’il n’a pas eu un mot plus haut que l’autre.

 

Quant au traitement de l’archi-multi-récidive, aucune graduation n’est prévue. Dès lors, lorsque le comportement de l’élève ne relève plus de l’autorité d’un enseignant, mais d’une intervention sociale auprès de la famille, et d’un soin que l’école ne peut prendre en charge, dans les faits, c’est l’enseignant qui assure l’ensemble de ces missions ! 

 

L’école devrait pouvoir sanctionner un élève, l’exclure si nécessaire, pour protéger les autres et asseoir l’autorité d’adultes, relais légitimes de la loi de tous.

 

Mais dans une société où la peur de la police, du juge ou de la prison a laissé place à la gloire de mépriser ces institutions, les enseignants ne font pas le poids. Pour rétablir le bon ordre, pourquoi ne pas commencer par donner davantage de pouvoir aux enseignants ?

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Le SNE milite pour que le pouvoir de sanctionner (mais pas celui de punir) soit rendu aux enseignants. Cela restaurerait une autorité qui leur fait aujourd'hui cruellement défaut.

 

Dans les cas les plus graves, un directeur devrait pouvoir exclure un élève quelques jours à titre conservatoire. 

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Il s’appuierait sur une consultation du conseil des maîtres, mais il devrait pouvoir prendre une telle décision souverainement et indépendamment de sa hiérarchie. 

 

Pendant cette exclusion, le cas de l’enfant serait soumis à l’avis d’une commission, à l’instar de ce qui se pratique déjà dans les pôles-ressources. A l’issue de cette procédure, l’élève pourrait être réintégré, changé d’école ou dirigé vers un établissement de soins appropriés que l’école n'est pas à même de dispenser.

NOS IDÉES POUR L'ÉCOLE

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