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ACTUALITÉS NATIONALES

9 octobre 2023

Sortez vos cahiers d’empathie…
Billet d'humeur du vice-président du SNE

A chaque problème sociétal, c’est la même litanie : l’école va remédier au problème, à grands renforts de communication, de circulaires et de manipulation d’agents dociles voire zélés.

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Les récentes affaires de harcèlement, dramatiques et révélatrices de dysfonctionnements au plus haut niveau, contraignent nos dirigeants à prendre le problème à bras de corps, pour éviter de culpabiliser et de s’attirer les foudres des électeurs.

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Des cours d’empathie : sans blague ?
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Vous n’aurez sans doute pas échappé aux dernières propositions de notre ministre : des cours d’empathie. Je rentrais du boulot lorsque j’ai entendu cette nouvelle à la radio. J’ai d’abord cru que j’avais mal entendu.


Rien que le terme m’a interpellé : l’empathie serait-elle donc une nouvelle matière, comme la géographie ou la biologie? La terminologie m’a laissé perplexe et songeur… En bon helléniste que je suis, je connais mes racines grecques : l’empathie, c’est littéralement «une passion qui emplit», ou plus communément la capacité d’éprouver ce qu’éprouve autrui. De son côté , le Larousse dit  que c’est la «faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent».

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Faculté intuitive ? La belle affaire… Au feu rouge, je me suis demandé s’il était possible de donner des cours d’intuition. Et puis, est-il vraiment nécessaire de donner «des cours» d’empathie ? Devra-t-on, à l’instant prévu de l’emploi du temps, parler d’empathie ? N’est-il pas préférable, comme le font les enseignants au quotidien, d’expliquer les choses à chaque fois qu’une situation le justifie dans la classe ? De plus, le rôle des parents, de la famille n’est-il pas là aussi ? L’école ne peut pas les suppléer totalement, surtout si ce qu’elle doit essayer d’inculquer aux élèves va à l’encontre des modèles familiaux.

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Un égoïste, c’est quelqu’un qui ne pense pas à moi

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Roulant au pas derrière un tracteur, je me suis dit aussi que tous les problèmes qui nous arrivent en pleine face depuis plusieurs années sont peut être le résultat de dizaines d’années d’aveuglement où l’on a considéré tous les enfants bons et gentils par nature et qu’on leur devait tout. C’est peut-être en agissant de la sorte que l’on a fabriqué cette génération d’enfants rois, qui à leur tour ont engendré des enfants érigés en divinité, accoutumés à ce que l’on satisfasse leurs quatre volontés. On n’a sans doute pas réalisé au final que, ce faisant, on  fabriquait des individus égoïstes, incapables d’essayer de comprendre autrui, mais qui s’avèrent grands spécialistes pour porter un jugement sur la façon d’être ou de penser de ceux qui ne sont pas comme eux, particulièrement sur les réseaux sociaux.

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En prenant la départementale qui me ramenait à la maison, j’ai émis une hypothèse : et si l’individualisation poussée à l’extrême, érigée en modèle pédagogique au point de placer l’élève au centre des apprentissages en lieu et place des savoirs, avait contribué à rendre les élèves incapables de comprendre ou d’accepter l’altérité ? «L’enfer c’est les autres» disait déjà Sartre à son époque. Aurions-nous, en l’espace de deux générations, réussi à construire une société qui lui donne raison ?

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Un peu plus loin, je me suis dit aussi que l’aseptisation de nos sociétés modernes, où l’audace et l’expérience sont remplacées par la sécurité et le risque zéro, a certainement contribué à fabriquer enfants craintifs et sans défense face au péril ou à l’adversité. Ça n’aide pas à se défendre… Notre monde a créé des victimes tout autant que des agresseurs…

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En arrivant chez moi, je me suis posé la question : est-ce cela vivre ensemble ? Est-ce cela dont nous voulons comme société ?

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Comment, dans un état de droit, a-t-on pu laisser faire si longtemps sans sanctionner les coupables ? Comment a-t-il été possible d’attendre 2023 pour que ce soit les harceleurs qui soient écartés, et non plus les victimes qui soient obligées de s’enfuir ? La sanction est là pour protéger chaque individu. Cette sanction, décriée pendant 30 ans par des pédagogistes illuminés qui la confondent avec la punition, est pourtant le garde-fou de notre société. Sans règles, c’est la jungle ; sans sanction, contrepartie légitime du non-respect d’une règle, c’est la loi du plus fort qui s’installe.

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Et maintenant ?

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Ce qu’il faut à nos chères têtes blondes, dans le cadre de l’école, c’est un bagage dans les matières fondamentales : l’apprentissage du langage pour pouvoir s’exprimer et échanger, celui des mathématiques pour structurer sa pensée. Tout cela dans le respect des règles, dans le respect des autres. Ces acquis sont le remède essentiel à l’intolérance et à la violence.

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Il nous revient de promouvoir une école où l’on s’enrichit des différences de chacun, où chaque jour on dialogue et où l’on apprend à comprendre et à gérer ses émotions. Pour cela, à l’école comme dans la société en général, les mots, cadres, règles et sanctions doivent reprendre leur juste place. Une règle s’accompagne d’une sanction si elle n’est pas respectée et de la récompense d’une vie en sécurité si elle est respectée. L’ignorer c’est ouvrir la porte à l’anarchie.

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En tournant la clé dans la serrure de chez moi, je me suis dit qu’un cours de philosophie après le journal de 20h sur toutes les chaines à la place des spots publicitaires, ça pourrait rendre le monde meilleur…

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Laurent Hoefman

Vice-président du SNE

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