ACTUALITÉS NATIONALES
10 septembre 2024
La rentrée de tous les manques
Cette rentrée scolaire est placée sous le signe des manques. Tous ne sont pas de la même importance, mais ils éclairent chacun à leur manière l’état dans lequel se trouve la profession d’enseignant du premier degré. Certains sont plus encourageants que d’autres…
Un manque d’enseignants
3 000. C’est le nombre qui a été beaucoup rappelé, celui du nombre de lauréats manquants aux concours d’enseignants pour couvrir les besoins de la rentrée.
Comme ces dernières années, la solution de notre administration est le recours aux contractuels, un personnel plus malléable qu’un fonctionnaire et dont il est plus aisé de se séparer.
Pour le SNE, il s’agit d’une solution de simplicité arithmétique qui dégrade l’image de la profession. Elle indique que n’importe quel diplômé peut l’exercer après quelques jours à peine de formation. Il est, au contraire, nécessaire de rendre la profession de PE à nouveau attractive en améliorant la rémunération et les conditions de travail. Attirer à nouveau des candidats brillants et en nombre vers le professorat des écoles serait une avancée pour la profession, les élèves et l’institution.
3 000, c’est un nombre à nuancer.
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D’abord parce que ce sont 1 350 enseignants qui manquent dans le premier degré et 1 575 dans le second. Et alors? Rapportés au nombre d’enseignants réciproque de chaque degré, ces chiffres montrent que le premier degré (370 500 enseignants) connaît un déficit supérieur à celui du second (483 200).
Pour notre syndicat, cela n’a rien de surprenant. Un enseignant du premier degré a une rémunération inférieure à celle d’un certifié parce qu’il effectue de nombreuses tâches pour lesquelles il n’est pas rémunéré et son temps de travail devant élèves est plus élevé.
Si la fonction d’enseignant du primaire est la moins attractive des positions d’enseignant français, c’est bien parce que le primaire demeure le grand oublié de l’Éducation nationale. La dépense de l’État par élève y est la plus faible. Le SNE s’emploie systématiquement à le rappeler à tous les niveaux où il travaille et milite pour des améliorations spécifiques au 1er degré.
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Ensuite parce que les déficits concernent essentiellement quatre académies (Créteil, Versailles, la Guyane et Mayotte), des territoires où les difficultés sociales sont exacerbées. Y exercer est particulièrement exigeant. Savoir que l’on devra le faire longtemps car les mutations interdépartementales sont grippées a de quoi rebuter.
Pour autant, ces dégradations commencent à se retrouver sur l’ensemble du territoire. L’académie de Paris est en passe de rejoindre celles où les concours ne suffisent plus à trouver les enseignants nécessaires. On retrouve ici en première position la problématique des conditions de travail, une problématique soulignée par le deuxième grand manque de cette rentrée.
Un manque de places
24 000. C’est le nombre d’élèves notifiés qui se retrouvent dans des classes ordinaires parce qu’il n’existe pas assez de places pour les accueillir dans les établissements spécialisés dont ils ont besoin. Ces élèves sont donc contraints d’évoluer dans des classes dont l’institution sait qu’elles ne leur sont pas adaptées. Des aides sont débloquées à la va-vite pour parer au plus pressé. Puisque les AESH manquent, ceux qui sont mutualisés sont réaffectés vers ces enfants. Les élèves auxquels un soutien adéquat était apporté se retrouvent livrés à eux-mêmes pour que leurs AESH soient investis d’une mission qu’ils ne peuvent pas remplir. Et il est demandé aux enseignants qui souffrent devant ces situations et les débordements qui en résultent de serrer les dents jusqu’à début juillet. L’inclusion se résume alors à une patate chaude que les personnels doivent gérer seuls.
Ce constat est insupportable dans le pays des droits de l’Homme. Mais c’est aujourd’hui un fait incontestable. Les problèmes liés à l’inclusion à marche forcée sont présents dans un nombre sans cesse croissant d’écoles, de l’éducation prioritaire ou ordinaire, de métropole ou de DROM-COM. Les appels au secours d’enseignants démunis, prêts à craquer, se multiplient.
L’hypocrisie de l’école inclusive pour tous commence enfin à être pointée du doigt par d’autres voix que le SNE. Notre revendication d’une inclusion raisonnée, de qualité pour les élèves et les adultes qui les encadrent fait désormais écho dans les mondes syndicaux et politiques. Il est grand temps qu’elle soit maintenant suivie d’effets. L’école n’est pas et n’a pas vocation à devenir un lieu de soins. A chacun son travail, en collaboration quand cela est possible, pour le plus grand bénéfice de tous.
Le manque de ministre
1. C’est le nombre de ministre de l’Éducation nationale en plein exercice qui a manqué à l’appel. Pour autant, cette rentrée ne s’est pas moins bien déroulée que les précédentes. Une touche de réforme, aucune ambition marquée pour l’amélioration des professions de l’enseignement ou des AESH, l’évocation par la ministre démissionnaire de son envie d’aller cueillir des champignons, autant dire que c’est le calme plat.
Ce qui est certain, c’est que les personnels de l’éducation étaient bien là, eux. Ils ont exercé pleinement leurs fonctions. Ces personnels responsables et engagés ont, une nouvelle fois, fait preuve de leur professionnalisme et rempli leurs missions. Les élèves sont accueillis, ils travaillent en dépit des conditions dans lesquelles ils se trouvent. «Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ?» Ce n’est pas aussi évident que ça dans le cas qui nous intéresse ici.
Le SNE attend tout de même avec impatience la nomination du prochain ministre afin de voir s’il sera possible de relancer des évolutions, notamment en faveur du 1er degré. Il y a de quoi faire et procrastiner ne sert à rien.