ACTUALITÉS NATIONALES
14 novembre 2024
Une sortie de maternelle mouvementée :
un élève quitte tout seul son école
Un élève de 3 ans est parti tout seul de son école (en Seine et Marne), le 19 septembre 2024. Le petit garçon, encore en classe, aurait lancé «c’est papa» à sa maîtresse, comme s’il avait reconnu son père. Il aurait erré pendant une vingtaine de minutes avant d’être ramené par un agent de la voirie.
La maman a porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d’un enfant de moins de 5 ans. De son côté, la direction académique des services de l’Éducation nationale a confirmé un défaut de surveillance.
Il faut noter que la presque totalité des enseignants de maternelle assurent qu’ils sont débordés et que les moyens humains et matériels sont nettement insuffisants pour une pratique pédagogique efficace et douce, sans parler du temps supplémentaire invisible accordé tous les jours au moment des sorties de classe.
Il reste maintenant à voir quelle analyse des événements le juge adoptera. Tout n’est pas aussi simple que cela en a l’air.
Que dit la réglementation ?
Selon le code de l’éducation : «dans les classes et sections maternelles, les enfants sont remis par la ou les personnes qui les accompagnent, soit au personnel enseignant chargé de la surveillance, soit au personnel chargé de l'accueil dans l’enceinte de l’école.
Pour la sortie de l’espace scolaire, ils sont repris, à la fin de chaque demi-journée, par la ou les personnes responsables légales ou par toute personne nommément désignée par elles et par écrit au directeur d'école.»
Dans la réalité, comment cela se passe-t-il ?
Les classes de maternelle comptent souvent plus de trente élèves. Certains peuvent être nouveaux, l’enseignant lui-même peut arriver sur l’école. Tout le monde ne se connaît pas forcément en début d’année, d’où l’usage qui veut que les premiers jours, les parents des élèves de maternelle se présentent à l’enseignant (cela n’est pourtant pas toujours le cas).
Les documents officiels, distribués le jour de la rentrée reviennent progressivement avec la liste des personnes autorisées à récupérer les enfants. Ces documents seront rarement à jour avant le mois d’octobre…
C’est dans ces conditions que, deux fois par jour, aux environs de 11h30 et de 16h30 (pas avant, car il faut respecter les horaires d’ouverture) le groupe de parents s’avance à la porte de la classe pour récupérer les enfants. L’enseignant doit alors faire face, le plus souvent seul, à l’afflux des adultes et aux élèves impatients qui se précipitent à la porte dès qu’ils aperçoivent leur proche.
Entre les parents pressés ou à l’inverse désireux d’échanger, l’enfant qui a oublié son écharpe ou son cahier de liaison, la file d’attente qui s’allonge, ce moment clé n’est pas toujours facile à gérer pour les collègues de maternelle. L’apprentissage de la règle, “j’attends d’être appelé pour venir” n’est pas acquis en début d’année scolaire, loin de là… . De plus, il arrive que l’ATSEM ne soit déjà plus présente au moment des sorties car occupée avec les services périscolaires.
La sortie de classe en maternelle est donc une situation complexe, surtout dans les premières semaines d’école, lorsque certains parents ne sont connus ni de l’enseignant ni de l’ATSEM.
Dans l’affaire exposée en introduction, le juge aura donc à prendre en compte tous ces paramètres pour déterminer s’il y a eu véritablement défaut de surveillance.
Quelles solutions apporter pour améliorer la situation ?
Pour le SNE, ce cas amène à se demander si l’administration donne aux enseignants de maternelle les moyens humains et matériels nécessaires à une sécurité totale des élèves et de l’équipe éducative.
Il nous semble indispensable que l’Éducation nationale prenne conscience des besoins liés à la gestion de la petite enfance et qu’elle effectue des ajustements comme par exemple :
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la mobilisation de personnel supplémentaire ou l’instauration de groupes de maximum 15 enfants afin de faire une liaison crèche/maternelle plus douce ainsi que l’obligation, dans les textes réglementaires, d’une personne supplémentaire pour seconder l’enseignant : ATSEM, contrat civique…
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la possibilité de mettre en place un temps de 15 à 20 min où les familles pourraient venir chercher les enfants en toute sécurité. Ce moment plus long entraînerait certes, le non-respect des horaires officiels, mais permettrait un accueil plus doux des parents et donnerait le temps de vérifier les identités, si besoin. Il faut aussi penser aux remplaçants qui sont particulièrement démunis devant cet afflux de personnes inconnues.
Le SNE insiste régulièrement auprès du ministère pour la prise en compte des spécificités du travail dans le premier degré, plus particulièrement sur la maternelle où le très jeune âge des élèves pose des défis spécifiques. Notre syndicat milite aussi pour un allègement des effectifs, encore plus dans les premières années de scolarisation, pour permettre d’apprendre dans les meilleures conditions mais aussi afin de mettre en place cette «vie d’élève» que partagent les enfants et leurs parents.