ACTUALITÉS NATIONALES
14 mai 2020
Direction : la proposition de loi qui veut enfin tout changer
Une proposition de loi (à lire ici) créant la fonction de directeur d’école a été déposée à l’Assemblée Nationale.
A la lecture de ce texte, on ne peut dire qu’une chose : la quasi totalité des propositions que le SNE défend pour la direction sont enfin en passe d’obtenir force de loi.
En avril 2018, le SNE avait présenté ses propositions selon 4 points (à lire ici) :
- Amélioration du régime de décharge
- Revalorisation salariale
- Secrétariat pérenne et compétent pour toutes les écoles
- Formation initiale et continue
Ces propositions ont ensuite été précisées, détaillées et défendues sans relâche par le SNE pendant les 2 dernières années auprès des députés et du ministère dans le cadre des négociations autour de la direction d'école : jugez plutôt !
Tout ce travail de fond pourrait enfin payer et améliorer les conditions d'exercice de tous les directeurs.
Lors de la dernière réunion ministérielle à ce sujet le 31 janvier 2020, le clivage important entre les organisations syndicales sur la conception du rôle du directeur d’école et les orientations qui en découlent était ressorti. Ce clivage existe depuis de nombreuses années et perdure toujours. (à lire : Direction : missions impossibles ?, 31/01/2019)
Extraits du projet de loi :
Amélioration du régime de décharge et simplification des tâches
« Un mi‑temps de direction semble essentiel pour les écoles de 5 à 9 classes, mais pour les écoles de 10 classes et plus, une direction à temps plein est souhaitable. »
« Pour les directeurs d’écoles de plus de 8 classes, il est précisé qu’ils ne sont plus chargés de classe. Si leur mission de direction n’est pas à temps plein, le directeur peut être amené à exercer des missions d’enseignement, d’accompagnement, de formation ou de coordinations (pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), réseaux d’éducation prioritaire (REP), Réseau d’éducation prioritaire renforcé (Rep renforcé), regroupement pédagogique intercommunal (RPI)) »
« Lors de nos auditions, la question de la direction des écoles de plus de 20 classes a été abordée, une direction complétée par un adjoint serait une piste sérieuse de travail. De la même manière, un temps consacré à la gestion des dispositifs « unités localisées pour l’inclusion scolaire » (ULIS) ou « unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants » (UPE2A) semble nécessaire à raison d’une demi‑journée ou d’une journée en fonction de la taille de l’école afin de donner à notre école les moyens d’être pleinement inclusive. Ce temps de décharge peut être octroyé à une autre personne que le directeur de l’école. »
« Les directeurs ne sont plus chargés des activités pédagogiques complémentaires (APC). »
Le projet correspond globalement aux demandes du SNE pour les écoles de 5 classes et plus. Cependant, rien n'est spécifié concernant les écoles de 1 à 4 classes pour lesquelles le SNE souhaite 1/4 de décharge incompressible.
Les « représentants d’une liste unique [peuvent] être élus directement sans organisation ni matérielle ni par correspondance des élections ».
Le « PPMS ne doit pas être supprimé mais pris en charge par des personnels compétents en matière de sécurité.»
Il s'agit là encore de deux revendications du SNE présentées au ministère en décembre 2019 dans le cadre de la simplification des tâches (à lire : "Direction : simplification, oui, mais pas que").
Revalorisation salariale
« Cette amélioration du métier doit s’accompagner d’une reconnaissance financière ambitieuse passant par une bonification de l’indemnité de direction. Aussi, pour que le métier de directeur soit attractif nous proposons que l’indemnité de direction soit augmentée de :
– pour les directeurs de 1 à 3 classes : +150 € brut / mois
– pour les directeurs de 4 à 9 classes : +220 € brut / mois
– pour les directeurs de 10 à 13 classes : +270 € brut / mois
– pour les directeurs de 14 classes et plus : +300 € brut / mois »
« Un avancement de carrière spécifique en favorisant une progression de carrière accélérée, en dehors des contingents réservés aux enseignants. »
Le SNE souhaitait une revalorisation un peu plus large. Il faut toutefois noter la prévision d'une évolution de carrière spécifique aux directeurs. Celle-ci s'ajouterait avantageusement à la revalorisation salariale directe.
Secrétariat pérenne et compétent pour toutes les écoles
Les "communes ou communautés de communes ayant la compétence scolaire [mettent] à disposition du directeur d’école une aide de conciergerie ou une aide administrative, en fonction des besoins exprimés par le conseil d’école".
Le SNE aurait préféré un secrétariat pérenne et compétent. Il est aussi regrettable que l'aide ne soit pas systématique. L'adaptation au contexte local créerait des disparités qui risqueraient d'être difficiles à accepter.
Formation initiale et continue
"Les candidats à la fonction de direction devront suivre une formation qui précédera et conditionnera leur demande d’accès à cette fonction par liste d’aptitude."
Le SNE avait demandé que les futurs directeurs puissent bénéficier d’une formation leur permettant d’appréhender efficacement les exigences du quotidien (techniques et outils de communication, coordination, gestion de conflits et des relations humaines, formation juridique…). Il est peu probable que ce qui est envisagé ici permette de répondre pleinement aux besoins. C'est tout de même un pas dans le bon sens.
Directeur : un emploi fonctionnel et non hiérarchique
« L’article 2 crée un emploi fonctionnel pour les directeurs d’école. Ainsi, sans changer de corps, il est reconnu la spécificité de leurs missions et responsabilités. »
Il faut comprendre ici qu'un enseignant qui prendrait charge de direction conserverait le bénéfice de son concours et pourrait donc reprendre des fonctions d’enseignant s’il le désire. Cela permettrait toujours à qui le souhaite de prendre une direction sans risquer de se trouver bloqué dans une nouvelle fonction. Le SNE avait défendu cette possibilité.
Afin de permettre aux directeurs d'assurer sereinement leurs missions, « l’article premier affirme les missions essentielles du directeur d’école. Il affirme également que le directeur est décisionnaire lors des débats qu’il organise pour assurer le bon fonctionnement de l’école sur le plan pédagogique comme sur celui de la vie de l’école. Le directeur est responsable des biens et des personnes durant le temps scolaire. À ce titre, il a autorité pour prendre des décisions en lien avec ses différentes missions ainsi que sur les personnels qui sont sous sa responsabilité durant le temps scolaire, sans en être le responsable hiérarchique, qui demeure l’inspecteur de l’éducation nationale (IEN) pour les enseignants et la commune pour les personnels municipaux. »
C'était la revendication du SNE, qui avait demandé que "Le directeur bénéficie, par délégation du DASEN, d'une autorité fonctionnelle sur le temps scolaire." (à lire : Direction : les missions à définir). La plus grande liberté d'action des directeurs permettrait une gestion plus souple des écoles et une adaptation plus aisée aux problèmes quotidiens.
A la lecture de ce texte, le SNE tire la conclusion que la liberté pédagogique des enseignants demeure, puisque le contraire n'est pas affirmé. Cependant, le SNE souhaiterait que ce point soit clairement exprimé dans la future loi afin de lever toute ambiguïté.
Le SNE a été entendu
L’intégralité des propositions listées ci-dessus ont été défendues par le SNE auprès du ministère, et ce bien avant les négociations de cette année scolaire.
Nous ne crions pas victoire pour autant. Ce texte n’est encore qu’un projet, mais il a été déposé pour examen à l’Assemblée Nationale. Si la représentation nationale venait à l’adopter, on pourrait enfin parler d’une avancée majeure pour les directeurs. Notre syndicat en revendiquerait fièrement sa part de paternité et ne pourrait que se réjouir que le métier de directeur soit enfin reconnu.
Philippe Ratinet
Secrétaire général aux publications